Implanter une partie des orges de printemps à l’automne
Depuis trois ans, Damien Baumont sème une partie de ses orges de printemps à l’automne. Une façon de s’adapter au changement climatique.
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À la SEP (société en participation) des CBRD à Barges, en Côte-d’Or, l’orge de printemps, cultivée dans de bonnes terres – argilo-limoneuses ou limono-argileuses –, était classiquement implantée à partir du 15 février-1er mars. Elle peut l’être désormais à partir du 10 novembre. « Avec de moins en moins de gel l’hiver, il devient de plus en plus difficile de semer la céréale au printemps dans de bonnes conditions, c’est-à-dire sur sols portants et sans tassement, explique Damien Baumont, associé de la SEP des CBRD. Cet hiver, il n’a quasiment pas gelé, alors qu’autrefois nous avions - 8 à - 10°C pendant quelques jours fin janvier-début février. »
Meilleur calibrage
Pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques, le céréalier et ses collègues ont choisi d’implanter une partie de leurs orges de printemps à l’automne. Une pratique qui donne de bons résultats les années sans gel, comme l’ont démontré les essais réalisés par Arvalis en Bourgogne et dans le Centre entre 2008 et 2018. Par rapport à un semis de février-mars, le rendement moyen a été supérieur de + 12-13 q/ha, atteignant un potentiel équivalent à celui des orges d’hiver. Ces rendements, relativement élevés grâce à un allongement du cycle, ont été obtenus sur milieu favorable avec des doses d’azote équivalentes.
À la SEP des CBRD, l’orge de printemps semée à l’automne 2017 sur 12 hectares a ainsi rendu 80 q/ha (1), équivalent au résultat d’une Etincelle classique semée à l’automne. « Le calibrage, constate l’agriculteur, est meilleur que celui d’une orge d’hiver et, en plus, nous avons la plus-value brassicole de plus 20 à 25 €/t. »
Les charges sont plutôt inférieures. Jusqu’en sortie d’hiver, la conduite est, en effet, volontairement économe, car la céréale peut geler. Un risque que ne couvre pas l’assurance. La semence de variété RGT Planet est prise directement dans le silo. Damien Baumont n’utilise pas de semence certifiée. « 400 grains au m², soit 200 kg/ha, c’est le bon compromis, estime-t-il. Ensemencée sur des sols qui ressuient vite, l’orge de printemps est mise en terre à partir du 10 novembre. L’objectif est d’avoir au moins 3 à 4 feuilles avant les grands froids. Un essai de semis au tout début de janvier a été un échec.
Les sols sont préparés à l’automne, autour du 10 octobre, comme pour une orge d’hiver, sans labour, mais avec un travail profond réalisé avec des outils à dents et au vibroculteur. « À cette période, note Damien Baumont, mieux vaut éviter de semer dans des sols humides et mal drainés comme les limons froids, qui craignent l’eau et génèrent des pertes de pieds. Les sols argileux, plus chauds, sont mieux adaptés. La céréale redoute autant l’humidité que le gel. »
Compte tenu des bons résultats obtenus avec les semis d’automne, faut-il pour autant abandonner les emblavements de printemps, voire arrêter l’orge d’hiver ? « Non, estime le céréalier. Un jour le gel nous rattrapera. Et puis, les conditions automnales peuvent ne pas être toujours favorables. Cela a été le cas cette fin d’année 2018, où le sec a entravé les faux semis. En raison d’un risque important de repousses de blé dans l’orge – et la perspective de déclassement de la céréale en orge fourragère –, les agriculteurs ont privilégié les pratiques classiques, en implantant fin février 2019 une partie des orges de printemps qui devait être semée à l’automne. Dans l’assolement 2018-2019 de Damien, seuls 21 hectares d’orge de printemps sur les 70 ha ont été semés à l’automne.
Pour Luc Pelcé, d’Arvalis, la pratique des semis d’automne doit rester une opportunité. « Elle restera réservée aux agriculteurs qui ont les moyens de la valoriser en utilisant les semences fermières, et en acceptant le risque de gel », précise-t-il. Bien qu’en forte baisse, le gel reste, en effet, une épée de Damocles (quatre à cinq années sur dix à Dijon). Les semis d’automne sont conseillés dans les milieux pédoclimatiques où les orges de printemps rencontrent des défauts de nombre d’épis au mètre carré et du stress en fin de cycle.
Anne Bréhier
(1) Contre 65 q/ha pour les 33 hectares d’orge de printemps semée au printemps.
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